Les Géants

Les Géants Les Pyrénées ont, comme toutes les montagnes, leurs cortèges de géants. Ce sont les Gentilak, les anciennes divinités païennes qui sont tombées en déchéance avec l’avènement du christianisme. Autrefois, ils étaient beaux, forts, puissants. Des dieux des forces naturelles, sans nom, adorées avec crainte par les ancêtres des Basques. Aujourd’hui, le christianisme les a flétris, piétinés, déformés, pour les réduire, dans les esprits des villageois, au rang de grosses divinités ridicules, pataudes et chancelantes, à mi-chemin entre la sottise de l’enfance et la sénilité de la vieillesse. Des montagnes faites hommes. Ils sont grands, étirés, aux corps irréguliers et difformes. Leurs têtes sont chauves comme des cailloux et leurs visages rocailleux respirent la bêtise. Ils ont des oreilles écartées. De larges sourires édentés, béats, s’affichent sur leurs lèvres lippues et saliveuses, tandis que leur regard stupide papillonne dans le vide. Ils semblent amnésiques de leur majesté passée. Les prêtres chrétiens leur ont donné des noms tirés de leur missel, et qui parsèment encore les pics et les cols des Pyrénées : Samson, Goliath, Roland… Autrefois, ils tonnaient et jetaient des rochers titanesques vers les villageois. Aujourd’hui, ils jouent à la marelle bêtement avec de gros cailloux. Leurs rebonds ébranlent toujours les montagnes, mais ils ne sont plus menaçants…
Le Basa Jaun a fait, de ces idiots sublimes et sans mémoire, les gardiens de son royaume. Son armée sacrée. Il les a récupérés dans ses rangs et leur a confié la garde des Traditions et des Coutumes basques. Des géants simples d’esprit, malmenés par les hommes, qui se retrouvent promus au rang de défenseurs de la culture. La plupart du temps, ils sommeillent sous terre, près des anciens monuments mégalithiques. On dit qu’ils dorment sous les dolmens isolés et les cercles de pierre du plateau sacré d’Occabé, et qu’ils se relèvent de temps en temps pour jouer ensemble à la pelote avec les gros rochers des menhirs…