La Basa Andere
Il y a pire. Le Basa Jaun ne vit pas seul dans les montagnes du pays basque. Il a une femelle : la Basa Andere, la « Maîtresse Sauvage ». Celle que les mascarades de la Soule appellent encore, naïvement, « Madame ». Elle est encore plus terrifiante que son amant, « Monsieur », car magnifique de corps et de volupté. Elle a la monstruosité de la beauté. Son regard est flou, brumeux, hypnotique. C’est le regard sensuel d’une vipère. La Basa Andere est l’ensorceleuse des montagnes, celle qu’on surprend au détour d’un bois, penchée au-dessus d’une source d’eau ; elle recoiffe toujours ses cheveux touffus avec un peigne en or, se contemplant dans le miroir clair et limpide de l’eau de montagne. La Basa Andere est blonde et gigantesque. Ses jambes sont poilues. Pour les prêtres des villages, elle est un mélange parfait d’Eve et du serpent. Une Eve sauvage, seulement vêtue de quelques objets métalliques : un collier d’or et d’argent autour du cou et une boucle de cuivre à l’oreille. Bijoux forgés par son époux, sous terre, à partir des minerais magnétiques des Pyrénées. Un jour, un villageois de Mendive, vaguement chercheur d’or, surprit la Basa Andere en train de se recoiffer au bord d’une rivière. Dans ses mains griffues, le peigne en or ratissait avec délicatesse sa chevelure dorée. Elle avait laissé, sur un rocher, un gros chandelier en cuivre qu’elle venait d’astiquer soigneusement pour lui rendre tout son lustre. Notre chercheur d’or, émerveillé par ce bougeoir étincelant, s’avança sur la pointe des pieds et s’en empara. La Basa Andere se retourna et le vit s’enfuir à toutes jambes en piétinant les brindilles du sentier ; elle poussa un hurlement déchirant qui résonna dans toute la montagne. Elle se lança à sa poursuite, plus à quatre pattes qu’à deux. Le berger, épouvanté par sa réaction féroce, commença à réciter son Notre Père en serrant le chandelier contre sa poitrine. Derrière lui, la Basa Andere haletait en poussant des grognements de louve aux abois. Il pouvait presque imaginer, déjà, la douleur de sa morsure sur sa nuque et celle des coups de griffes qui allaient s’abattre sur lui et fouiller sa poitrine…
Les cris de la femelle alertèrent le mâle. La terre s’ouvrit et le Basa Jaun apparut, les bras grand ouverts et les griffes déployées. Il bondit à travers la forêt, à la recherche du petit voleur, en poussant des rugissements effrayants qui glacèrent le sang de tous les habitants de la Soule. Le petit berger, blême et décomposé, courut sans se retourner. Derrière lui, ses chasseurs se rapprochaient, fous de rage, et le menaçaient de mille douleurs et tortures…
A ce moment, le petit berger vit apparaître l’église Saint-Sauveur. Une de ces nombreuses églises et chapelles trapues qui avaient été construites dans les montagnes pour protéger les Chrétiens du Basa Jaun. Il poussa un cri de joie et, défonçant presque la porte d’entrée, s’y rua à l’intérieur en tombant à genoux devant l’autel…
Le Basa Jaun s’arrêta devant le porche de l’église en poussant des grognements. L’haleine d’eau bénite et d’encens qui s’en exhalait le révulsait. Se bouchant le nez et tirant la langue, il s’en éloigna et laissa le petit berger sain et sauf. On l’entendit maugréer, en basque, quelques malédictions à l’intention des curés et de leur religion mortifère. Le petit berger, lui, serra le chandelier de cuivre contre son cœur, sentant toutes les forces magnétiques de la Terre qui le traversaient et lui redonnaient de la force. Ce chandelier, c’était le feu de Prométhée volé aux Seigneurs sauvages. C’était le contrôle des forces naturelles, des orages, de la foudre, des tempêtes. C’était l’assurance d’un bien-être agricole et d’excellentes récoltes pour toute la région. Effrayé à l’idée de ressortir dans la forêt avec un tel butin, le petit berger le déposa sur l’autel de l’église, à côté de la croix, et en fit cadeau au Dieu des Chrétiens en remerciement de son intervention. Depuis ce jour de grâce, le chandelier de la Basa Andere est toujours à Saint-Sauveur, et fait de cette petite église le centre des contrôles climatiques et des fabriques d’orage de toute la Soule…
Les cris de la femelle alertèrent le mâle. La terre s’ouvrit et le Basa Jaun apparut, les bras grand ouverts et les griffes déployées. Il bondit à travers la forêt, à la recherche du petit voleur, en poussant des rugissements effrayants qui glacèrent le sang de tous les habitants de la Soule. Le petit berger, blême et décomposé, courut sans se retourner. Derrière lui, ses chasseurs se rapprochaient, fous de rage, et le menaçaient de mille douleurs et tortures…
A ce moment, le petit berger vit apparaître l’église Saint-Sauveur. Une de ces nombreuses églises et chapelles trapues qui avaient été construites dans les montagnes pour protéger les Chrétiens du Basa Jaun. Il poussa un cri de joie et, défonçant presque la porte d’entrée, s’y rua à l’intérieur en tombant à genoux devant l’autel…
Le Basa Jaun s’arrêta devant le porche de l’église en poussant des grognements. L’haleine d’eau bénite et d’encens qui s’en exhalait le révulsait. Se bouchant le nez et tirant la langue, il s’en éloigna et laissa le petit berger sain et sauf. On l’entendit maugréer, en basque, quelques malédictions à l’intention des curés et de leur religion mortifère. Le petit berger, lui, serra le chandelier de cuivre contre son cœur, sentant toutes les forces magnétiques de la Terre qui le traversaient et lui redonnaient de la force. Ce chandelier, c’était le feu de Prométhée volé aux Seigneurs sauvages. C’était le contrôle des forces naturelles, des orages, de la foudre, des tempêtes. C’était l’assurance d’un bien-être agricole et d’excellentes récoltes pour toute la région. Effrayé à l’idée de ressortir dans la forêt avec un tel butin, le petit berger le déposa sur l’autel de l’église, à côté de la croix, et en fit cadeau au Dieu des Chrétiens en remerciement de son intervention. Depuis ce jour de grâce, le chandelier de la Basa Andere est toujours à Saint-Sauveur, et fait de cette petite église le centre des contrôles climatiques et des fabriques d’orage de toute la Soule…